Luke Pearson et Tom Lloyd
En cette période où nous nous déconfinons tranquillement après 16 mois de télétravail, nous constatons que nos comportements, nos attentes et nos valeurs ont un peu changé.
Pearson Lloyd est en pleine exploration de l’« intelligence spatiale », un terme utilisé pour décrire une compréhension accrue des liens bidirectionnels entre les personnes, les espaces qu’elles habitent et les produits qu’elles utilisent. Notre analyse s’intéresse aux demandes liées à l’espace et aux besoins de ses usagers après la pandémie; ainsi, nous décortiquons les nouveaux comportements, les nouveaux rituels et les nouvelles habitudes. Ces recherches nous ont naturellement menés à ce que nous appelons la « nouvelle ergonomie de l’espace ».
Dans toutes les sphères de la vie, au travail, à la maison, sur la route et dans les loisirs, la pandémie a causé chez nous des changements de comportement tantôt subtils, tantôt rapides et radicaux. Certains d’entre eux seront temporaires, d’autres, permanents; certains dérangeants et difficiles à accepter, d’autres, surprenants et bienvenus.
Par la compréhension de ces changements, nous avons l’occasion de rééquilibrer et de repenser la façon dont nous menons notre vie, la définition de la ville et la raison d’être du travail.
Selon le concept d’« économie du savoir », la perception du travail et de la création de richesse est complètement différente de ce qu’elle était il y a à peine une génération. Si la majeure partie du 20e siècle s’est caractérisée par le travail répétitif du traitement manuel des données, le 21e siècle rime quant à lui avec innovation, résolution de problème, modèles d’affaires et expérience client – une transformation complète. Les outils et les systèmes de données et technologiques sont maintenant au service des interactions pour l’acquisition de capital humain. C’est sans compter que les grands chamboulements pandémiques dans notre vie ont remis en question la nature même du travail et de notre façon de travailler. En quelques mois à peine, l’environnement, les outils et les horaires de travail se sont transformés.
Il est largement reconnu que la pandémie a agi comme un catalyseur de changements dans tous les pans de la culture et de la société. Notre rapport au travail et le besoin d’être physiquement dans les locaux de notre employeur sont probablement la transition la plus évidente. Avec les avancées de l’infonuagique et de la collaboration en ligne, la technologie nous a finalement permis de fonctionner hors du bureau avec une efficacité apparente. Il n’existe plus de séparation claire entre le travail et la maison; les espaces de travail et de collaboration se définissent sur un nouveau continuum. Au-delà des nouveaux environnements de travail, comme les espaces de travail partagés, presque tous les endroits peuvent être considérés comme des lieux de travail. Comme la plupart des données et des outils de communication de base sont accessibles de partout, on ne peut que se poser la question : pourquoi se rendre au travail? En ce qui concerne la productivité, les employeurs et les employés sont maintenant forcés de décrire précisément les avantages du travail au bureau par rapport au télétravail. Après 16 mois de séparation obligatoire en raison de la pandémie, les émotions sont partagées à la sortie de cette période de confinement. Malgré la simplicité et les avantages économiques évidents du télétravail, on semble être de plus en plus nombreux à ressentir un vif désir de se retrouver. D’un point de vue organisationnel, ce besoin de se rassembler est à la base du travail d’équipe. En outre, le fait de côtoyer ses collègues en personne favorise un sentiment d’appartenance beaucoup plus fort, une plus grande confiance ainsi qu’une productivité accrue par rapport à la participation à une multitude d’appels Zoom éreintants. Les membres d’une équipe peuvent s’appuyer sur les forces de leurs collègues, ils se motivent et se soutiennent, et sont plus forts que la somme de leurs parties.
Un étrange hasard a fait que l’apparition de la COVID-19 a concordé avec le perfectionnement d’outils technologiques permettant d’entretenir des relations professionnelles et personnelles entièrement à distance. Toutefois, nous avons tous dû improviser, faire avec les moyens du bord, adapter nos environnements et combiner une vie de famille complexifiée à une vie au travail complexifiée. Même si des outils comme Zoom et Teams ont su livrer la marchandise pour nous aider à maintenir nos liens personnels et professionnels, nous avons tous souffert de cette nouvelle vie numérique. Le résultat? Nous ressentons un désir profond de vivre des expériences collectives et d’évoluer dans des environnements qui stimulent tous nos sens, et pas seulement la vue et l’ouïe : le toucher, l’odorat et le goût, le mouvement et l’équilibre, et la perception de nos corps dans l’espace. Nos vies professionnelles sont plus riches et nous comblent davantage lorsque nous sommes physiquement présents. Le partage d’espaces favorise aussi les interactions imprévues et le sentiment positif qui les accompagnent – l’imprévu, l’imprévisible et le réel –, ce qui ne peut simplement pas survenir dans le monde numérique.
Luke Pearson et Tom Lloyd
Malgré notre désir de se retrouver physiquement et de partager nos quotidiens, nous devons repenser la raison d’être du travail au bureau. Les motivations des employeurs à vouloir rassembler leurs équipes comme avant sont bien différentes des celles des employés. Les employeurs ont besoin de personnel en santé, heureux et productif, et ils doivent trouver de nouveaux incitatifs pour le retour au bureau. Avec une pénurie de main-d’œuvre croissante au Royaume-Uni (surtout au lendemain du Brexit), nous devons encourager les gens à retourner dans leurs environnements professionnels. Les employés quant à eux veulent se sentir comblés par leur travail grâce au sentiment d’appartenance à leur milieu; trouver du plaisir à être mis au défi et à atteindre leurs objectifs; se sentir reconnus et valorisés par leurs pairs; et ressentir que leurs apprentissages et leur croissance personnelle s’intègrent à leur vie. Comment arriver à répondre à tous ces besoins?
Le bureau deviendra un lieu d’apprentissage et de divertissement, ainsi que de travail « classique ». Les gens s’y rendront parce que leur développement professionnel et leur cheminement de carrière y seront facilités, et parce qu’ils pourront y entretenir des relations plus productives et motivantes avec leurs pairs et leurs supérieurs.
Pour surmonter ces nouveaux défis, il faudra réinventer les espaces, les services et les expériences. Nos vies d’après pandémie seront définies par des mélanges et des formes hybrides quant aux expériences et aux outils; ainsi, nous aurons besoin d’une nouvelle forme d’intelligence spatiale et d’une ergonomie de l’espace repensée. La séparation claire du travail et des loisirs éclate – et il ne semble pas y avoir de retour en arrière possible.