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QU’EST-CE QUE JE PORTE AUJOURD’HUI?

Dana Gurevich, spécialiste des médias sociaux

La semaine dernière, lors d’une réunion en mode hybride, quelque chose m’a frappée. Au bureau, tous les employés – moi comprise – portaient une tenue plutôt professionnelle : boutonnières, fermetures éclair, ceinture et tout le tralala. Cependant, les employés à l’écran étaient pour leur part vêtus de T-shirts et, je présume, de bas de pyjama ou autre pantalon moelleux et élastique. La juxtaposition était de un marrante, et de deux, fort éclairante : elle illustrait à quel point la pandémie (désolée de ramener ce sujet sur le tapis) a bouleversé non seulement le monde du travail, mais aussi notre rapport au confort.

À l’heure du retour au bureau, nos habitudes vestimentaires au travail ont changé. La garde-robe de quarantaine, proche parente du pyjama, a désormais la cote, et il est difficile de revenir à nos ceintures et autres vêtements structurés. Libéré du concept de tenue de travail et de l’obligation de socialiser, on tend à privilégier le confort. Et maintenant que la vie reprend tranquillement son cours « normal », les employés apportent ce confort au bureau, mais sous une forme un peu plus habillée.

La marque Ministry of Supply, qui se spécialise dans les tenues d’affaires confortables, a récemment renvoyé des milliers d’articles de vêtements soudainement démodés à l’atelier de couture pour des retouches post-pandémiques : pantalons à jambe étroite s’agençant mieux aux souliers de course, chemises à l’ourlet flatteur lorsqu’elles ne sont pas rentrées dans le pantalon… Peut-être est-ce le début d’une nouvelle ère, lancée par la Silicon Valley, qui sonne le glas de la rectitude vestimentaire. Avant la pandémie, les jeunes entreprises et leurs dirigeants tendaient à délaisser le complet-veston au profit de T-shirts Hanes, de jeans et d’espadrilles. Cette décontraction ne touche pas que l’habillement professionnel, mais bien d’autres facettes du travail. Les travailleurs qui sortent de la maison remettent en question non seulement la tenue vestimentaire, mais aussi les normes genrées, les inégalités salariales et le travail à distance (pour ne nommer que le plus évident), des sujets qui nous ramènent au besoin du travail de bureau de se mettre au diapason de son époque.

Ce nouveau courant de pensée ne manquera pas d’influencer nos habitudes vestimentaires au bureau, mais aussi la façon dont les marques et les détaillants approcheront les tenues professionnelles. L’avenir est à la polyvalence, selon Lisa Sun, PDG de la marque de vêtements Gravitas. Forcée de changer de cap au beau milieu de la pandémie, elle a créé un ensemble en velours qui s’est vendu comme de petits pains chauds parce qu’il proposait aux femmes une option à la fois confortable et soignée pour leurs appels sur Zoom. StitchFix, un service de stylisme personnalisé, s’est quant à lui doté d’une nouvelle catégorie de tenues d’affaires « confort ». Enfin, « extensible » est devenu le mot d’ordre, pour le bonheur de ceux qui veulent être aussi bien mis que bien tout court.